LE CASTRUM
Un castrum ? Qu’es aquò ?
Le castrum est un groupement fortifié d’habitat, à la fois lieu de défense et lieu d’habitat.
Il est d’origine probablement ancienne alors que les bastides sont de fondation plus récente.
Selon Anne Brenon[1], « Le castrum selon l’expression des textes médiévaux eux-mêmes, est en fait la bourgade fortifiée, et non le simple château fort des manuels d’histoire, du type Château-Gaillard ou Haut Koenigsbourg. Ce castrum peut correspondre, selon les cas, à une minuscule enceinte et un très petit village, ou au contraire a un bourg plus ou moins étendu.
Ici le village paysan ne stagne pas dans les glèbes du bas - fonds, sous l’ombre du château fort isolé qui couronne fièrement la hauteur : ici c’est le village lui-même qui forme le château au sommet de la colline, qui occupe l’intérieur des remparts.
Le propre de ce castrum, qui décline en occitan le phénomène de développement de l’habitat groupé qui accompagne la vague démographique de l’époque féodale, c’est avant tout d’être bâti selon un plan d’urbanisme : en cercles concentriques le plus souvent, autour de la haute demeure des seigneurs, la dernière rangée des maisons adossée au rempart ou constituant elle - même ce rempart ; et comportant en général un espace public, une place au sens moderne du terme. »
Ce phénomène d’«enchâtellement », à partir du XIème siècle, de l’Italie au Languedoc puis à la Gascogne, est un vaste mouvement d’édification de villages groupés, à partir d’un noyau central constitué par la demeure seigneuriale elle-même.
Ainsi, Vacquiers est qualifié de Castrum, en 1250, dans le Saisimentum Comitatus Tolosae. Ce document détaille les localités dépendant de différents baillages (ou senéchaussées).
En 1271 le castrum est cité dans les annales de la ville de Toulouse par Lafaille comme dépendant du baillage et district de Villemur (le bailli ou sénéchal en Languedoc étant le représentant du roi et rendant la justice en son nom).
C’est ainsi qu’après le rattachement du comté de Toulouse au royaume de France, le 7 novembre 1271, Pons de Vacquiers s’était rendu au cloître de Moissac pour jurer fidélité au roi de France et quelques jours plus tard, le 22 novembre 1271, dans l’église Saint Michel de Villemur, les consuls de Villemur et Arnaud Hélie, chevalier et seigneur de Montgailhard, précisent les limites de la baylie et énumèrent les bastides et châteaux de son ressort parmi lesquels figure Vacquiers, ceux qui font partie du domaine royal et ceux qui dépendent d’autres seigneurs [2] .
Origine du Castrum vacquiérois
Dans le système féodal, la caste de guerriers reçoit du suzerain de vastes domaines à gérer qui deviennent rapidement des fiefs disposant de plus ou moins d’autonomie.
Au premier millénaire (haut moyen-âge), le vicomte d’Albi (Aton II vers 993-1030) concéda ses domaines aux alentours de Villemur à son vassal, le seigneur de Villemur. La vicomté d’Albi dépendait quant à elle des domaines des comtes de Trencavel.
La structure pyramidale de la féodalité conduit le seigneur de Villemur à lui-même concéder le territoire de Vacquiers à la famille noble de Vacquiers qui lui était apparentée.
Le temps faisant son œuvre et le groupement d’habitat bien installé, en 1080 et 1108, les seigneurs de Vacquiers : Bosc de Vacquiers et Hugues de Vacquiers, son neveu fils de Manfred de Vacquiers, donnent à l’abbaye de Saint Sernin leur alleu [3] de Vacquiers.
Le cartulaire de Saint Sernin (n°433) mentionne un arrangement concernant leurs droits respectifs à Vacquiers entre Raimon Guilhem, abbé de Saint Sernin, et Gérard, prieur de l’hôpital Saint Jean de Toulouse : Gérard est autorisé à labourer et à mettre en culture le tiers de la réserve de l’abbé et à percevoir le tiers des dîmes, des cens et des droits de justice en échange de la défense de la villa de Vacquiers.
Cet acte (non daté) a été rédigé entre 1117, date de l’érection de Saint Sernin en abbaye, et 1121, date de la dernière mention de Gérard en tant que prieur de l’hôpital Saint Jean De Toulouse.
Ainsi la défense du castrum donné à l’abbaye Saint Sernin et qui ne relevait plus des seigneurs de Vacquiers, était assurée par les chevaliers de St Jean de la commanderie de Fronton. En effet, cet ordre de St Jean de Jérusalem avait une vocation avant tout militaire. Nous relevons dans la liste de précepteurs de l’Hôpital St Jean de Toulouse le nom d’Athon de Vacquiers de 1212 à 1215. Il fut également commandeur de Caignac de 1223 à 1224.
Selon Hélène Debax [4], « on constate que dans nos « castra » languedociens, la coseigneurie est la règle commune.
Elle est générée par un droit successoral qui est resté longtemps égalitaire en Languedoc. La base de ces règles d’héritage est constituée par le droit wisigothique. »
C’est pourquoi outre la donation à l’abbaye de Saint Sernin en 1080, Guillaume Unal de Lantar, Guillaume Aton de Villemur et son fils Jourdain donnent tout droits dans l’alleu, le territoire et décimaire de Vacquiers aux Hospitaliers en 1208 [5].
Ultérieurement, en 1218, Aton de Vacquiers et Bernarde, sa femme, donnent aux Hospitaliers « ..tercia parte de villa et forcia de Vaqueriis et de barrio ipsius forcie » et tout ce qui en dépend et la quatrième partie des terres, des hommes et des femmes » [6]. Le barri existait donc parallèlement au Castrum au début du XIIIème siècle.
LE DROIT WISIGOTHIQUE
De 410 à 719, Vacquiers appartient au Royaume Wisigoth qui, à son apogée, s'étendra de la Loire à Gibraltar et dont la capitale est Toulouse, puis Tolède. Ce royaume qui combine l'autorité civile romaine et l'autorité militaire wisigothique se dote d'un droit spécifique, le Code d'Euric (roi de 466 à 484) . Ce code est ensuite remplacé par le bréviaire d'Alaric, réalisé et promulgué sur ordre de son fils Alaric II en 506.
Ce code juridique composé par des juristes à la résidence royale d'Aire-sur-l'Adour s'inspire du droit romain en le modernisant avec comme intention écrite dans son introduction, le Commonitorium, « [de] corriger tout ce qui est injuste dans les lois ».
Description du castrum vacquiérois
Ainsi à Vacquiers, sur la colline, à l’intérieur du rempart, le château fort (parcelles 51 et 52) est contigu aux trois rangées de maisons en cercles concentriques et à la chapelle castrale (angle gauche du chevet de l’église).
L’espace public pourrait correspondre à la place de la Patabelle (carrefour qui comme une patte d’oie concentre différents chemins venant d’autres lieux fortifiés : Monjoire, Villemur, Bouloc, Fronton et Toulouse…). Cette place se trouvait en haut de la côte, au chevet de l’église, devant la première rangée de maisons. Cet espace peut correspondre à la pâture communale et à une partie du terrain attenant supportant la nouvelle église.
L’ensemble est protégé par une barbacane, des murailles et des fossés défensifs (devenus mares - colorées en vert sur le plan cadastral de 1818- ou jardins bordant la rangée de maison servant de muraille et partie de la parcelle 53).
L’accès au Castrum se fait par la Porta Bela (prononcer Porto Belo en occitan). Cette porte Belle était fermée la nuit et gardée en journée (en avant des parcelles 23 et 34 au Nord Est).
Au pied de la colline, à l’extérieur des remparts, se situe le barri (faubourg). L’église Saint Saturnin et son cimetière sont implantés le long de la route menant de Villemur à Toulouse (parcelles 5 et 6 Section D 1ere feuille du plan cadastral 1818 - en blanc sur le plan ci-après).
Jean Catalo, dans sa thèse sur le Nord Est Toulousain au Moyen Age, indique que « le réseau routier en étoile autour de Vacquiers montre son rôle dans la mise en valeur des terres. De même l’existence d’un barri (faubourg) dés le début du XIIIème siècle confirme son rôle dans la concentration du peuplement. Le barri correspond certainement aux habitations au pied de la colline, près de l’église Saint Saturnin disparue que nous situons près du cimetière actuel. »
A la même période, à l’extrémité du territoire attenant à Villemur, l’église St Pierre du Bousquet et son cimetière font face à l’habitat rural médiéval ayant fait l’objet de fouilles archéologiques en 1982. L’ensemble, propriété de l’abbaye St Michel de Gaillac, fut cédé aux Hospitaliers de St Jean à Fronton en 1170. Sont témoins à l’acte les seigneurs Pierre de Lacapelle, Durant de Bouloc, Raymond Adhémar et Bernard Bardoin de Rabastens.
Durant la guerre de cent ans, au XVème siècle, les remparts du castrum, comme les autres lieux fortifiés des environs, ont été renforcés par un mélange de blocs de pierre et terre crue. En effet, en 1428, Vacquiers et ses environs furent ravagés par des bandes de pillards appelés routiers et menées par le terrible capitaine André de Ribes qui était passé au service des Anglais.
En 1570, durant les guerres de religion opposant catholiques et protestants, l’église paroissiale St Saturnin a été brulée par les protestants venus de Montauban. Deux prêtres y ont été tués.
A cette époque la ville voisine de Villemur était protestante et appartenait à Jeanne d’Albret. La reconnaissance de Henri IV (fils de Jeanne d’Albret) comme souverain légitime en 1589 mit fin provisoirement au conflit.
Jusqu’au XVIème siècle, le castrum était resté enserré dans ses murailles. Mais le 31 juillet 1626, en réponse à la Fronde (révolte de la noblesse), le cardinal Richelieu ordonna le démantèlement des remparts et châteaux forts inutiles. C’est ainsi que 2000 châteaux forts furent détruits sur tout le territoire national.
Le compoix de Vacquiers de 1701 mentionne encore le château et la barbacane ce qui laisse penser que le démantèlement prit du temps.
Ne subsistèrent alors que les anciens fossés qui constituaient des réserves d’eau en cas d’incendie.
En janvier 1792, durant la période révolutionnaire, le conseil municipal décida à la majorité de combler l’ancien fossé, à l’exception de celui au nord, et de supprimer tous les moyens de défense de l’époque lointaine.
Une vente des biens nationaux concerne non pas le château mais « l’emplacement du château ». Il fut cédé en 1791 à M. Couvertigues qui en était encore propriétaire en 1818 (cf cadastre napoléonien).
En conclusion, du castrum ne subsiste aujourd’hui que la dernière rangée de maisons à vocation défensive, la chapelle Castrale Ste Marie (vieille sacristie de l’église actuelle, reconstruite au XVIIème siècle sur le plateau) et l’ancien chemin de ronde transformé en promenade.
[1] Anne Brenon, Les Femmes Cathares, Ed. Perrin, 2004, Collection Tempus
[3] in Cartulaire de Saint Sernin n° 432. Un alleu est une terre libre dont le possesseur ne doit pas d’hommage et de redevances. La donation en alleu est souvent faite pour le château, castrum ou castellum, sans précision.
[4] Hélène Debax - la Féodalité Languedocienne XI –XIIe siècles - Presses universitaires du Mirail, 2003, Collection Tempus
[5] ADHG 182 n°9
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